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GENÈVE – Les loyers des immeubles subventionnés sont abusifs!

Rendement des loyers contrôlés : Hodgers aligne des noix sur un bâton.

Dans sa tribune parue dans Le Temps du 9 décembre 2014, Antonio HODGERS, Conseiller d’Etat genevois en charge du logement laissait déjà entendre qu’il ne souhaitait pas changer sa politique en matière de rendement des immeubles dont les loyers sont contrôlés par l’Etat, voire subventionnés par lui.
Et ce malgré l’arrêt très clair du Tribunal fédéral du 25 septembre 2014 (ATF 1C_500/2013) tranchant par l’affirmative la question de savoir si ces loyers devaient également être conformes à l’art 269 CO à savoir ne pas procurer au bailleur (privé) un rendement excessif des fonds propres investis.

On sait qu’actuellement ce rendement ne doit pas dépasser 2,5% (soit 0,5% de plus que le taux hypothécaire de référence pour les loyers) alors que le canton de Genève autorise des rendements de 4,5% à 7% !

Lors d’une conférence donnée aux milieux intéressés le 17 février, M.Hodgers a annoncé que ces taux allaient être maintenus et a tenté de les justifier (son exposé est repris dans le point de presse du Conseil d’Etat du lendemain).

Il a péniblement justifié un rendement de 6,2% (tout en déclarant maintenir dans certaines circonstances des taux de 7% !) au moyen des contorsions suivantes (curieusement ces chiffres indiqués le 17 ne se retrouvent pas dans le point presse du lendemain) :

  • M. Hodgers veut prendre en compte un taux hypothécaire moyen sur 25 ans plutôt que le taux actuel, car il faudrait regarder la situation sur la durée. Cela donne un taux de 4,1%.
    Or les contrôles de l’Etat sont de 10 ans en zone de développement, 20 ans pour les immeubles HLM et de 25 ans pour les immeubles HM. Ce sont ces immeubles qui sont pertinents car ils n’appartiennent pas à l’Etat mais à des privés, contrairement aux HBM qui sont propriétés de Fondation Immobilières de droit public dépendantes de l’Etat.
    Le choix d’un taux moyen de 25 ans est doublement arbitraire : d’une part c’est la durée maximum du contrôle pour une catégorie qui ne concerne que peu d’immeubles ; d’autre part l’examen ne se fait pas après la durée du contrôle mais avant et devra aussi se faire pendant depuis l’arrêt du TF. Dès lors un taux moyen de 10 ou 15 ans aurait été beaucoup plus correct et aurait donné un taux moyen de 3% environ.
    L’Etat a toutefois choisi 25 ans car en 1991 le taux s’élevait à 6,75% voire 7% et a constamment baissé depuis. Il y a 20 ans, il n’était plus que de 5,25%, il y 15 ans de 4,5%, il y 10 ans de 3 % et il y a 5 ans de 2,75%. Il est aujourd’hui à 2% et va continuer à baisser.
  • M. Hodgers ajoute un facteur incitatif de 0,9% : en effet le propriétaire est privé de sa liberté de faire n’importe quel loyer, de choisir les locataires et doit subir des contrôles. Ce facteur incitatif n’existe pas dans les loyers contrôlés par la Confédération puisque pour ceux-ci le rendement ne peut pas dépasser le taux hypothécaire. Dans le CO, le TF admet un rendement supérieur de 0,5% au taux hypothécaire de référence. Pourquoi ne pas reprendre ce pourcentage ? Pourquoi 0,9% ? On ne sait pas. Si le propriétaire a certaines contraintes, en revanche il a aussi des avantages tels que des subventions de l’Etat, des exonérations fiscales et en zone de développement un déclassement de ses terrains qui lui permet de construire plus que ce qui est permis par la zone de base.
  • M. Hodgers ajoute encore l’inflation moyenne sur 25 ans, soit 1,2% actuellement. Mêmes remarques que ci-dessus en ce qui concerne cette durée injustifiable, si ce n’est par le fait que l’inflation annuelle était supérieure à 5% en 1990 et 1991 pour diminuer drastiquement dès 1994 et passer en dessous de 1% par année. Un calcul sur 20 ans donnerait 0,65%, sur 15 ans 0,56%, sur 10 ans 0,42% et sur 5 ans une inflation négative de 0,15% !

Le Conseil d’Etat aligne donc ses noix sur un bâton pour atteindre 6,2% (4,1 + 0,9 + 1,2)

En prenant des chiffres tout aussi plausibles on pourrait atteindre  péniblement 3,92%.(3% + 0,5% + 0,42%)

La réponse du Conseil d’Etat est donc politique pour faire plaisir aux milieux immobiliers et non juridique.

Lors de sa conférence du 17 février, M. Hodgers  a insisté lourdement sur un bout de phrase du TF selon lequel, il faut tenir compte des efforts consentis par les pouvoirs publics pour fixer le loyer. Curieux raisonnement : le propriétaire privé a droit à un rendement plus élevé parce que les pouvoirs publics l’ont aidé ? Il faut plutôt examiner les efforts consentis par ce propriétaire comme l’indique aussi le TF dans la même phrase, mais en relation avec le fait que ce propriétaire, vaudois, avait renoncé à tout rendement pendant plusieurs années !

Les locataires genevois vont donc malheureusement continuer à payer des loyers abusifs, avec cette fois la bénédiction du Conseil d’Etat jusqu’à ce qu’une décision judiciaire applique correctement le CO et la jurisprudence du Tribunal fédéral.

Les locataires des immeubles HLM et LGZD peuvent donc déposer des réclamations contre des hausses de loyer, voire même demander à l’Office cantonal du logement qu’il soit vérifié que leur loyer est conforme à la loi et à la jurisprudence du Tribunal fédéral; le cas échéant les locataires pouront recourir auprès du tribunal administratif de première instance.

François ZUTTER
Avocat répondant
Asloca Genève 

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