GENEVE – Peut-on résilier le bail d’un retraité ?
Question de Christian D. à Genève : « Je suis retraité, vit dans mon appartement depuis 15 ans, et dans mon quartier depuis des décennies. Je viens de recevoir une résiliation du bail pour le 31 mai 2018. Est-ce licite ? »
Rappelons d’emblée que pour espérer obtenir l’annulation du congé, le locataire doit agir sous 30 jours, à compter -par prudence- du lendemain de l’envoi du formulaire de résiliation par la régie, même s’il a été reçu plus tard. Il ne faut pas tarder !
La dénonciation du bail est toujours un évènement dramatique dans un contexte de pénurie de logement. C’est d’autant plus vrai pour une personne âgée : la perte du réseau social local et des habitudes routinières dans le quartier la fragilise. Elle aura beaucoup de difficultés à retisser tel réseau dans un nouveau lieu de résidence.
Malheureusement, le Code des obligations ne prévoit pas un régime spécial de protection contre les congés pour les aînés. Le régime ordinaire, selon lequel une résiliation est annulable seulement si son motif est contraire à la bonne foi, s’applique quels que soient l’âge du locataire et son ancienneté dans les lieux. Pareils éléments ne sont qu’exceptionnellement pris en considération dans l’examen de la validité du congé. Une résiliation peut être considérée contraire à la bonne foi, si elle consacre une disproportion des intérêts en présence : par exemple, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, si le congé est motivé par le souhait du bailleur de loger son jeune fils qui convoite un logement avec jardin parce qu’il a un gros chien; ou si le bailleur, dans un but spéculatif, entend vendre le logement libre de son occupant à un prix plus élevé, alors que le locataire en place est âgé et malade. S’il n’y a pas de disproportion des intérêts, la durée du bail et l’âge du locataire ne sont que des éléments qui lui permettent d’obtenir une prolongation du bail, qui sera au maximum de quatre ans.
Cette situation juridique insatisfaisante ne peut être renversée que par la modification du Code des obligations, car la protection contre les congés est réglée par le droit fédéral. Sauf à espérer que les milieux propriétaires ne mettent en place un code de conduite, qui ne serait toutefois pas contraignant. C’est pourquoi une initiative parlementaire a été déposée au Conseil National le 6 décembre 2017 (Initiative parlementaire Sommaruga 17.502 « Protégeons nos aînés des résiliations de bail abusives »), qui prévoit qu’en cas de résiliation du contrat de bail à loyer des personnes âgées, le congé doit être fondé sur un juste motif et le bailleur doit proposer une solution de relogement à proximité immédiate avec des conditions locatives analogues.
En toute hypothèse on doit recommander à notre lecteur de contester le congé, qui sera peut-être annulé.
Pierre STASTNY, Asloca Genève
Article paru dans le supplément immobilier de la Tribune de Genève du 24 février 2018.