GENEVE – Punaises de lit : qui paie?
Question de Monsieur Robert B. à Genève : « J’ai eu des punaises de lit dans mon appartement ; je l’ai immédiatement signalé à ma régie qui a fait intervenir une entreprise pour les éliminer, ce qui semble maintenant être le cas puisqu’un chien spécialisé n’a rien détecté lors de sa dernière visite ; j’ai cependant dû jeter un certain nombre de meubles et faire congeler mes effets personnels. La régie me demande maintenant de lui rembourser les frais des entreprises. A-t-elle le droit de le faire ? Puis-je lui demander de payer les frais de congélation et me rembourser la valeur des affaires que j’ai dû jeter ? »
La présence de punaises de lit dans les appartements à Genève est devenue un phénomène de société. Ce phénomène n’est pas lié à l’hygiène des locataires ; on a trouvé des punaises de lit un peu partout.
Les piqûres de punaises de lit ne sont par ailleurs pas dangereuses pour la santé dans la mesure où elles ne transmettent pas de maladie. Toutefois leur présence représente un réel inconfort, est source de stress, d’angoisse voire de phobie ; elles empêchent de dormir et isolent socialement leur victime par honte ou peur d’en transmettre.
Leur élimination a par ailleurs un coût certain.
Juridiquement la présence de punaises de lit dans un appartement est considérée comme un défaut dont l’élimination incombe au bailleur conformément à l’article 259a CO, ce que le Tribunal des baux et loyers de Genève a confirmé dans un jugement du 30 octobre 2014.
La Cour de Justice a même indiqué dans un arrêt du 7 septembre 2015, que la présence de punaises dans un appartement de 2 pièces était un défaut grave entraînant une baisse de loyer de 50%!
Il incombe en revanche au locataire de signaler immédiatement à son bailleur la présence de punaises de lit pour que celui-ci puisse les faire éliminer et prenne par ailleurs des mesures préventives ou curatives dans le reste de l’immeuble.
En conséquence, les frais d’élimination des punaises de lit sont à la charge du bailleur, à moins qu’il n’arrive à prouver que le locataire est responsable de la présence des punaises de lit ; l’on ne voit pas comment il pourrait apporter cette preuve ; il arrive souvent que les régies prétendent que le locataire qui a signalé la présence de punaises de lit serait le seul à en avoir, ce qui s’avère le plus souvent faux.
Conformément à l’article 259d CO, le locataire a également droit à une réduction proportionnelle du loyer à partir du moment où le bailleur a eu connaissance de la présence de punaises de lit et jusqu’à leur élimination.
Enfin, conformément à l’article 259e CO, si le locataire a subi un dommage, le bailleur lui doit des dommages-intérêts, à moins qu’il réussisse à prouver qu’aucune faute ne lui est imputable.
Là encore il appartient au bailleur de prouver cette absence de faute et non pas au locataire de démontrer que le bailleur a commis une faute.
A Genève, nous constatons malheureusement qu’il n’y a aucune politique d’information des propriétaires et régies à leurs locataires de la présence réelle ou potentielle de punaises de lit dans l’immeuble.
Pourtant, une politique d’information porterait ses fruits : les locataires n’auraient plus peur d’annoncer la présence de punaises de lit et celles-ci pourraient être éradiquées beaucoup plus tôt, notamment avant qu’elles ne se propagent dans d’autres appartements ou le reste de l’immeuble.
La Direction générale de la santé du canton de Genève a mis sur place un groupe de travail pour prévenir la prolifération des punaises de lit à Genève.
Sa mission est de faire l’inventaire des bonnes pratiques visant à ralentir, voire endiguer la prolifération des punaises de lit et à préparer une communication à destination du grand public, des propriétaires, des régies d’immeubles et des professionnels concernés.
(www.ge.ch/punaises-de-lit/description.asp)
Malheureusement, sauf exception, les régies n’ont pas relayé ces informations à leurs locataires.
Pire, certaines régies ont introduit dans leurs « conditions générales » une clause mentionnant que le coût du traitement contre les punaises de lit sera à la charge du locataire : une telle clause est nulle car contraire à l’article 256 CO qui prévoit que le bailleur est tenu d’entretenir l’appartement et que toute dérogation au détriment du locataire est nulle.
François ZUTTER, avocat répondant, ASLOCA Genève
Article publié en partie dans LA TRIBUNE DE GENEVE du mardi 19 août 2015